Peut-on encore oser inventer un avenir différent à gauche ?

On ne peut pas dire que nous ne savions pas ! La gauche anti libérale est très mal en point. Mais c’était déjà le cas il y a trente ans. Nombreux étaient pourtant les militants à travers la France et au-delà en Europe à s’inquiéter de cette situation. En Corse, nous avons fait partie de ce mouvement et dès le début des années 1990 nous dénoncions cette situation.
En avril 1991, il y a 30 ans, presque jour pour jour, le premier appel de « Refondations » a constitué pour beaucoup de militants de gauche une lueur d’espoir. Soutenu par des communistes critiques, des socialistes en rupture, des syndicalistes, des militants associatifs solidaires et écologistes, cet appel a amorcé une démarche permettant d’apporter une nouvelle espérance aux gens de gauche et en particulier à tous ceux qui, déjà à l’époque, dénonçaient la dérive néolibérale d’un gouvernement qui pourtant se définissait de gauche.
En Corse, des militants se sont engagés individuellement dans cette perspective d’échange et de rassemblement. Nous en faisions partie. Mais près de 30 années ont passé et nous pouvons constater que la gauche traditionnelle socialiste et communiste n’a jamais entreprise sa nécessaire autocritique et son indispensable innovation politique.
Les combats communs contre la ratification du traité de Maastricht ont permis de matérialiser pour l’avenir des points de convergence entre militants issus de forces politiques différentes à gauche. Nous voulions être inventifs, parce que l’espoir a horreur du vide. Nous voulions être inventifs, car le socialisme dans les pays du bloc soviétique avait débouché à l’Est, sur la dictature d’une bureaucratie. Nous voulions être inventifs car à l’Ouest, la sociale – démocratie s’engageait dans la gestion du capitalisme.
Ces échecs historiques rendaient urgente l’élaboration d’un véritable projet alternatif authentiquement de gauche, en opposition avec l’évolution sociale libérale, à laquelle nous avons assisté en France ces 30 dernières années.

Depuis le début des années 90, nous n’avons cessé de défendre cette voie de la clarté à gauche par la création de structures de réflexion, capable de constituer une force de proposition et d’action, dont chacune correspondait à une période particulière : « Corse Refondations*, Résister à Gauche, MancaAlternativa et aujourd’hui, Inseme à Manca ».
Nous sommes toujours dans cette optique et présents dans cette volonté de redonner un sens à la gauche, à une politique où l’intérêt général constitue dans la clarté le socle d’un engagement antilibéral anticapitaliste et démocratique.
Au regard de la situation de la Corse, mais aussi continentale le besoin de créer, avec d’autres, ce rassemblement novateur et porteur à terme d’un projet politique cohérent, s’est avéré indispensable. De la maille régionale à celle de l’Europe nous avons toujours souhaité voir se construire un tel projet en refusant les logiques libérales encore et plus que jamais à l’œuvre.
Il y avait à gauche, hier et toujours plus aujourd’hui, une carence d’horizon. Celle-ci a profité et profite encore à l’extrême droite. En France, plus de 30 ans de pouvoir partagé entre le PS, la droite et le centre, ont ruiné tout espoir. Quel gâchis !
Aujourd’hui, le constat est sans appel malgré les nombreux avertissements, la gauche est incapable de proposer une alternative crédible dans une société ou les acquis sociaux n’ont jamais été autant attaqués : inégalités, précarité, atteintes aux libertés deviennent les mots d’ordre de cette 5ème République monarchique.
En Corse, le pouvoir nationaliste a dévoilé sa véritable nature. Depuis plus de 5 ans, ce mouvement applique les thèses du libéralisme. En effet, à aucun moment, il n’a contrecarré les fondements néfastes d’un système capitaliste privilégiant toujours plus le privé au détriment des services publics, des communs.
Dans l’île, le clan, un temps affaibli, s’est vite régénéré, voire renforcé d’une nouvelle aile nationaliste. L’opposition entre tous ces clans n’est que formelle, car il s’agit plus d’une lutte de pouvoir entre personnalités, hommes et femmes, mais aucunement, une remise en cause d’un système qui a fait et qui continue de faire, tant de mal à la Corse.
Face à ce constat et dans une situation politique pourtant très difficile, nous ne nous sommes jamais résigné à l’abandon des vraies valeurs de gauche, porteuses dans la clarté de plus de justice, d’égalité, d’humanisme. C’est ce que nous continuons à faire avec Insème à Manca/Ensemble!.
*Corse Refondations a été créé au début de l’année 1994.
Robert Armata, Francis Peretti et Jacques Casamarta, Co-fondateurs de Corse Refondations. 30 ans après, le 17 Avril 2021.