
Depuis que l’épidémie du covid19 a envahi quasiment tout l’espace médiatique et, par conséquent, celui de l’expression politique dominante, nous sommes à la fois submergés d’information et privés d’expression. En outre, le confinement a renforcé cette double contrainte, en nous obligeant à rechercher une information au-delà des murs qui nous renferment et en nous privant de notre liberté de circulation et d’action dans l’espace public.
Nous sommes en effet submergés d’information de tout type sur l’épidémie, d’une information volontairement contradictoire pour nous faire croire à une imprévisibilité du phénomène et de ses conséquences, mais aussi d’une information systématiquement cantonnée au domaine scientifique ou médical, pour nous faire oublier que l’origine et le développement de l’épidémie est indissociable de l’économie capitaliste. Nous sommes privés d’expression par la mise en confinement, non seulement de toute la population, mais aussi, et d’abord, de toute contestation, d’une part, par les injonctions diverses et parfois contradictoires (rester chez soi / aller travailler) et, d’autre part, par le dressage des corps et des esprits (dans la rue et dans les médias dominants).
Les outils dont ils disposent pour nous contraindre ainsi, Macron les a nommés dès le début du confinement. Il nous a ainsi imposé deux expressions qui définissent d’abord deux temps : la « guerre », pendant laquelle « rien ne doit nous en divertir », et « le monde d’après » dont il nous dit qu’il « ne sera pas un retour au monde d’avant ». Or, ces expressions doivent être comprises comme étant proprement la négation de la responsabilité et de la réflexion.
Bien sûr que nous ne sommes pas en guerre, mais le fait de l’énoncer entraîne l’irresponsabilité des dirigeants et le corsetage de la démocratie, de la société et des citoyens, dès lors « mobilisés » corps et âme (jusqu’à 60 heures par semaine !) et, plus généralement, confinés. Cela entraîne aussi le fait que, si la guerre ne prend fin qu’avec la reddition ou la destruction de l’ennemi, la « guerre » de Macron ne peut pas avoir de terme défini et la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, et de son corollaire d’ordonnances, en est l’illustration. Il n’y a donc pas, par conséquent, de date à compter de laquelle le « monde d’après » interviendrait automatiquement.
Pour autant, cette expression du « monde d’après » que j’associe à celle, également prononcée par Macron, des « jours heureux », participe aussi de la même volonté d’abolir toute réflexion. Tout d’abord, comment ce « monde d’après » doit-il être compris ? Il s’agit bien de ce type de « mot-valise » que chacun peut invoquer et y transférer son imaginaire sans avoir besoin de le construire de façon concrète, son énonciation suffisant à lui donner corps. Or, paraphrasant Albert Camus, mal définir les mots, c’est bien plutôt contribuer aux déceptions à venir. En effet, Macron n’est pas subitement devenu un adepte du programme du conseil national de la Résistance (et ses mandants encore moins) et il est éminemment probable que le contenu qu’li lui assigne se rapproche bien plus du « monde d’avant ». D’ailleurs, afin de maintenir à la confusion et suite à l’appel de 18 personnes représentant diverses organisations progressistes (27 mars), des « initiatives » apparaissent régulièrement (celle de parlementaires, majoritairement LaREM et, dernièrement, celle de Nicolas Hulot). Ces dernières illustrent à merveille ce qui disait le jeune Tancrède à son oncle, le Prince Salina (dans Le Guépard) : « Si nous voulons que tout continue, il faut d’abord que tout change ».
Ad nauseam ? Pour la réponse, je vous renvoie aussi aux articles de Serge Halimi et par Pierre Rimbert dans le numéro de mai 2020 du Monde diplomatique.
Philippe Ollandini
Oui , Philippe .
Plus que jamais prisonniers d’un capitalisme à peine ébranlé et déjà revanchard , les peuples devront être très,très forts pour que “tout change” vraiment . Surtout ne rien lâcher !