
La gauche insulaire – la vraie gauche , j’entends , la gauche anticapitaliste – étant désormais en ruines, j’avais fait un rêve, comme beaucoup d’autres, celui du bon sens et de l’espoir. Vieux militant, communiste dans l’âme mais n’appartenant plus à aucun parti, il me semblait que pour les élections législatives tout était simple :
Quatre circonscriptions en Corse, donc quatre duos de gauche , un par circonscription, comme le souhaitait Inseme à manca . En Corse-du-sud , la FI étant arrivée largement en tête la dernière fois, les candidatures de Robin de Mari (discret pour l’instant) d’un côté, et de Dylan Champeau (jeune militant dynamique qui a déjà fait ses preuves) de l’autre, étaient les plus logiques et les plus légitimes. Avanti populu ! En Haute-Corse, en revanche, Michel Stefani (PCF) et Amélie Raffaelli (qui fait intelligemment le lien entre FI et PCF dans la seconde circonscription ) paraissent indiscutables.
Seulement voilà : ce quadruple choix de l’évidence, cette vraie chance pour la Corse et les Corses, tout cela s’est écroulé sous le poids des rancoeurs, des susceptibilités, du sectarisme et de l’intolérance ; et au terme des traditionnelles “rencontres” figées qui ne servent à rien, chacun a décidé de faire sa petite élection dans son coin. Le PC, d’ordinaire peu regardant quant à ses alliances ( intronisé par…Cazeneuve aux dernières municipales ajacciennes !), a décidé une fois de plus de compter partout ses voix (soit 2%), en attendant malheureusement de ne plus rien avoir à compter du tout… La PS parachute in extremis une Parisienne dans le sud. Dans chaque camp on tire à hue et à dia , les trois entités se revendiquant communément de l’Union populaire” ou de la “gauche solidaire”. Et puis il y a ce fameux “article 74”. Compte tenu des gigantesques enjeux sociaux et environnementaux posés par ces élections (nationales, rappelons-le), et alors que l’école et l’hôpital, entre autres, s’effondrent en même temps que notre pouvoir d’achat, alors que la guerre menace et que la Terre étouffe , alors aussi que la “bête immonde” partout progresse, on aurait pu penser que nos chers responsables de gauche s’attachent à l’essentiel et à nos véritables préoccupations. Eh bien non, pour eux ce qui compte avant tout , c’est l’article 74 (que personne , pourtant , ne connaît). Pour les uns , c’est la clé du paradis , la martingale absolue , le Graal existentiel. Pour les autres, c’est un truc mortel et satanique, quasi apocalyptique. Alors chacun discutaille à l’infini, tout en campant sur ses positions inutilement sclérosées.
Au bout du compte, au lieu de quatre duos de gauche, il y en a désormais huit en Corse, qui bien sûr vont se tirer dans les pattes . La géniale NUPES, réalisée partout, est mort-née chez nous. La droite et l’extrême-droite insulaires, tous les nationalistes aussi, peuvent se réjouir : ils n’ont plus qu’à recueillir les fruits de ces rivalités imbéciles qui occultent les vraies urgences et désespèrent tout le monde .
J’avais fait un rêve sympa. Mais une fois de plus , nous allons contempler le désastre, et c’est tragique.