La route sera longue

Par Claude Perrin :

 Ainsi Jean-Luc Mélenchon a fait le choix de détruire ce que la très grande majorité des militants de France Insoumise avaient construits en Corse depuis les élections présidentielles de 2012.

Tweet, blog, sont devenus entre ses mains des instruments de condamnation, d’exclusion, sans qu’il n’y ait volonté de s’informer et de comprendre une décision démocratiquement prise par la très grande majorité des insoumis en Corse, de faire liste commune avec le PCF pour ces élections territoriales de décembre. La situation était inédite, puisqu’il n’y aura pas d’autres élections en France pendant les 3 ans qui viennent. 

Il est vrai que tout rapprochement et décision collective pris entre plusieurs groupes d’action de France Insoumise, sur un même territoire, sont suspectés de conduire à un culte du chef local et seraient donc bannis des modes de fonctionnement du mouvement « France Insoumise ».

Nous serions donc des communistes ayant « usurpé le sigle Insoumis ». Pourtant bon nombre de ces militants Insoumis sont des ex-militants communistes, critiques, ayant quitté le PCF il y a bien longtemps ou des anciens socialistes qui n’étaient plus au PS alors que Jean-Luc Mélenchon s’y complaisait encore.

Son analyse de la situation en Corse est inconséquente, infondée et dangereuse. Elle plaque sur l’histoire de la gauche en Corse un logiciel d’analyse qui n’intègre pas la non-implantation du PS, quasiment inexistant depuis le congrès d’Epinay, le monopole des « radicaux » dont on a vu ce que leur règne à l’assemblée de Corse entre 2010 et 2015 a pu susciter.

C’est lors de leur mandature, associés au PCF, que les revendications de co-officialité, de statut de résident, de collectivité unique ont été voté à l’assemblée de Corse alors que les électeurs ne leur en avaient pas donné mandat.

Durant cette période, si le PCF a sombré dans des alliances conçues pour exister malgré tout, ces élus territoriaux maintenaient néanmoins une expression publique au service des classes populaires qui sans eux n’auraient guère pu se faire entendre.

Le « dégagisme » appliqué à ceux qui ont fait sa campagne des présidentielles et des législatives n’est que pure trahison. Non seulement des hommes et des femmes engagées, mais aussi des idées.

Le nouveau paradigme de Jean-Luc Mélenchon en Corse a donc pour référence l’ « identitarisme ». Les nouveaux adoubés du « républicain »  Mélenchon prônent :

–  la coofficialité de la langue corse qui exclura à terme les non corsophones de tout emploi public en Corse,

– un statut de résident qui fait de l’étranger (installé depuis moins de 5 ans en Corse) le responsable de la spéculation foncière.

– le maintien des arrêtés « Miot » pour permettre aux possédants  et surtout aux plus riches d’entre-eux, de ne pas payer d’impôt sur les successions.

-l’interdiction professionnelle et la « corsisation » des emplois à travers la charte de l’emploi local, appliquées aux non-corses responsables bien entendu du chômage en Corse.

– la remise en cause de la laïcité en imposant la fermeture de toutes les écoles publiques, chaque année le jour de la Sainte Marie.

– l’obligation du bilinguisme, déjà à l’œuvre aujourd’hui dans la plupart des écoles maternelles de l’île et dans beaucoup d’écoles primaires du rural où les familles ne peuvent plus exercer leur choix.

– la volonté de transférer à la Collectivité Territoriale de Corse le contenu de l’enseignement et la nomination des enseignants, entraînant ainsi une sortie du système éducatif national.

On le voit tout cela fleure bon la philosophie des Lumières.

Les 3 députés nationalistes s’abstiennent à l’assemblée nationale sur les ordonnances de la loi travail et sur la réforme de la Sécurité Sociale. S’ils avaient été députés socialistes qu’auraient-ils entendu !

Reste aujourd’hui un goût amer, proche du désespoir.

Comment construire un mouvement populaire sur la dynamique des présidentielles et des législatives et du programme de « l’avenir en commun » ?

Comment sortir de ces pratiques d’exclusion de ceux qui pourraient momentanément penser différemment du chef ?

Comment faire de la France Insoumise un mouvement populaire, démocratique, échappant à la dictature du « clic » informatique et où chaque militant serait considéré comme un être pensant et non comme un instrument d’une petite équipe dirigeante autoproclamée?

Comment entrer dans cette 6éme république avec un dirigeant, formidable candidat aux élections présidentielles, mais totalement incapable de sortir du moule de la 5éme république, qu’il fait mine de condamner comme son mentor F. Mitterrand et son slogan du « coup d’État permanent » ?

La route sera longue.

 Claude Perrin

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