La Stratégie du Choc : la montée d’un capitalisme du désastre.
La stratégie du Choc de Naomi Klein* s’affirme comme une lecture indispensable au regard des enjeux présents et à venir. Un travail d’investigation journalistique remarquable et exemplaire.

Milton Friedman, le chantre du néolibéralisme contemporain, avait compris l’utilité des crises : « Seule la crise, réelle ou supposée, produit un vrai changement. Lorsqu’elle se produit, les mesures prises dépendent des idées alors en vigueur. » Il croyait qu’une thérapie de choc appliquée à l’économie pousserait la société à accepter une forme plus dérégulée du capitalisme.
C’est en 1973, lors du coup d’Etat militaire mené au Chili par Pinochet et préparé par la CIA que les disciples de Friedman apprirent la première fois à exploiter un choc ou une crise de grande ampleur. Le choc et la terreur ont été le terreau de la mise en place de la trinité néolibérale : privatisations, dérèglementations et réductions des dépenses sociales.
Un an plus tard, l’inflation s’élevait à 375 % par an. C’était la plus forte au monde.
En 1975, Milton Friedman se rendit à Santiago pour rencontrer Pinochet : « Il utilisa un terme qui n’avait été utilisé pour aucune crise économique mondiale…. « Traitement de choc ». Friedman se décrivait comme un docteur au chevet d’un pays souffrant d’une épidémie et auquel il prescrivait simplement le remède. »
Les théories économiques de Friedman ne sont pas ouvertes à la discussion, elles sont des éléments sacrés du système. Ces forces économiques s’apparentent aux forces de la nature, fixes et immuables. Elles sont des lois naturelles et rien ne doit les entraver. Le tempo est donné par le marché « dit » libre…
Le modèle économie Chilien fût mis en œuvre dans d’autres pays d’Amérique latine avec des modus operandi similaires : assassinats, enlèvements, terreur. Ce modèle économique, ce capitalisme du désastre est, depuis plus de 40 ans, la norme mondiale. Après le coup d’Etat de 1973, d’autres crises et désastres suivront, qu’elles soient économiques ou environnementales : la guerre des Malouines, le massacre de la place Tiananmen, l’effondrement de l’URSS, les attentats du 11 septembre, le tsunami du Sri Lanka, le cyclone Katrina, la pratique de la torture à Guantanamo, etc…
A l’instar des expériences de lavage de cerveau effectués par Donald Ewen Cameron et financées par la CIA, expériences qui relevaient de la torture et dont l’objectif était de détruire la personnalité du sujet en lui administrant une thérapie de choc, afin d’obtenir une « page blanche » sur laquelle on pourrait écrire une nouvelle personnalité, les tenants d’un ultralibéralisme mettent sciemment à contribution crises et désastres pour saper les valeurs démocratiques auxquelles les sociétés aspirent, et pour leur substituer la seule loi du marché et la barbarie de la spéculation.
En cette période de crise sanitaire, sous fond de crise économique, le pire est-il en marche ?
Un ouvrage fortement conseillé…
La Stratégie du Choc : la montée d’un capitalisme du désastre
BABEL- ACTE SUD 13,70 euros
Naomi Klein (née le 8 mai 1970 à Montréal) est une journaliste, essayiste réalisatrice et altermondialiste canado-américaine. Elle a étudié à l’université de Toronto et à la London School of Economics. Elle est titulaire de la chaire Gloria Steinem en Media, Culture et Etudes féministes de l’Université Rutgers.
Elle est mondialement connue pour avoir pointé les défaillances du Capitalisme, du néolibéralisme et de la mondialisation dans ses livres No Logo (1999), La Stratégie du choc : la montée d’un capitalisme du désastre (2007) et Tout peut changer : capitalisme et changement climatique (2014). Elle a reçu en 2016 le Prix Sydney de la paix pour son militantisme en faveur de la justice climatique.