Littérature et résistance des femmes en Palestine. Par Jean Alesandri

« Non essentiels ! … Vous avez dit : « Non essentiels » ?

C’est cette qualification qu’avait choisie le gouvernement pour désigner les biens culturels dont le livre et la littérature sont l’un des piliers. Mais face à la pression générale, il a  heureusement revu sa position et décidé la réouverture des librairies en décembre 2020.

Résultat : fréquentation des librairies et vente de livres record. Les citoyens ont tranché !

Oui, la littérature est  bien un des éléments essentiels de la  culture et la vie, particulièrement dans les périodes difficiles. S’il en fallait une démonstration magistrale, lisons Khalida Jarrar qui écrit sur la littérature  depuis la prison israélienne de Damon.

Khalida Jarrar

Khalida Jarrar est députée membre du Conseil législatif palestinien. Militante du FPLP (Front populaire de Libération de la Palestine) elle est emprisonnée en « détention administrative », c’est-à-dire sans accusation précise et sans jugement. Prisonnière depuis 2015, avec de  brèves interruptions, sa détention est systématiquement renouvelée selon ce système israélien  illégal  et condamné unanimement.

Militante féministe et des droits humains, elle a réussi à faire sortir clandestinement une lettre dont voici quelques extraits éclairants : «  De la prison israélienne de Damon, située au sommet du mont Carmel à Haïfa, je vous adresse mes salutations, en mon nom et en celui de mes 40 camarades palestiniennes combattantes de la  liberté, enfermées dans les prisons israéliennes. Nous saluons et respectons  tous les écrivains , universitaires, intellectuels et artistes qui disent la vérité et appellent à la liberté et à la justice de tous les peuples et qui défendent le droit à l’autodétermination et s’opposent à la domination raciste coloniale.[ …]

Bien que physiquement nous soyons retenues  captives derrière des clôtures et des barreaux, nos âmes restent libres et planent dans le ciel de la Palestine et du monde. Indépendamment de la gravité des pratiques de l’occupation israélienne et des mesures punitives imposées, notre voix continuera à s’exprimer au nom de notre peuple qui a souffert d’horribles catastrophes, déplacements, occupation et arrestations[ …]

Les livres constituent le fondement de la vie en prison. Ils préservent l’équilibre psychologique et moral des combattants de la liberté qui considèrent leur détention comme faisant partie de la résistance globale contre l’occupation coloniale de la Palestine.

Les livres jouent également un rôle dans  la lutte individuelle pour la liberté de conscience de chaque prisonnier face aux autorités pénitentiaires [ …] Le défi pour les prisonniers est de transformer notre détention en un état de « révolution culturelle » à travers la lecture, l’éducation et les discussions littéraires

Les prisonnières politiques palestiniennes font face à de nombreux obstacles pour accéder aux livres . Par exemple, les livres ne nous parviennent pas toujours car ils sont soumis à des mécanismes de contrôle stricts et des confiscations lorsqu’ils sont apportés par un membre de la famille. En théorie, chaque détenue a le droit de recevoir deux livres par mois. Mais le plus souvent, ils sont rejetés par l’administration pénitentiaire sous prétexte d’être des livres « d’incitation ».

En guise de punitions, les prisonnières peuvent être privées de lecture pour deux ou trois mois, comme ce fut mon cas en 2017 . »

Parmi les livres entrés clandestinement, citons les ouvrages de deux grands écrivains français, Victor Hugo et Albert Camus. En revanche les « Cahiers de prison » d’Antonio Gramsci ont été saisis par les geôliers.

Mais Khalida Jarrar et  les prisonnières de Damon gardent la tête haute.

 L’intégralité de cette lettre peut être lue sur Internet en tapant ce titre  : « Le rôle de la littérature dans la résistance des femmes détenues par Israël ».

Bonne lecture.

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Courage à ces femmes qui ont fait de la culture leur résistance. Ainsi elles restent dignes et libres dans leur cœur et leur esprit.
Il faut aujourd’hui, plus que jamais, être aux côtés de celles et ceux, qui pour faire vivre les droits humains et la Paix sont injustement emprisonné-e-s. Il faut inlassablement réclamer leur liberté.